Diaspora malagasy : pourquoi clarifier la nationalité est un enjeu stratégique

Quand la loi de 1960 se heurte à la mobilité de 2025.

La diaspora de Madagascar joue un rôle essentiel dans l’économie nationale : soutiens familiaux, investissements dans l’immobilier, l’agro-business, les infrastructures locales. Pourtant, le cadre juridique de la nationalité malagasy, notamment l’article 42 du Ordonnance No. 60‑064 du 22 juillet 1960 portant Code de la nationalité malagasy, crée un risque latent : celui de perdre sa nationalité malagasy en cas d’acquisition volontaire d’une autre nationalité. 

En tant que membre de cette diaspora, je souhaite ici analyser :
  • les enjeux économiques et sociaux de la diaspora pour Madagascar,
  • le cadre légal actuel de la nationalité, avec ses limites,
  • pourquoi une “clarification” s’impose,
  • et comment cette question pourrait être portée lors des futures assises nationales.


1. La diaspora malagasy : potentiel et réalité

1.1 Montants et dynamique

Les transferts de la diaspora vers Madagascar sont estimés à environ 385 millions de US$ en 2023. En pourcentage du PIB, les envois de fonds représentaient ~3,75 % en 2020. Bien que cela soit inférieur à certains pays africains, c’est une contribution non négligeable, particulièrement dans un pays où l’accès à l’électricité, l’eau et des services de base reste faible. 

1.2 Formes d’investissement

Outre les soutiens familiaux “classiques”, plusieurs diasporas investissent :
  • achat de terrains et constructions (secondes résidences ou logements locatifs),
  • agro-business (plantations, exportations, partenariats),
  • appui à des projets locaux (infrastructures rurales, logements, services).

Ces investissements sont stratégiques : ils lient la diaspora à la patrimonialisation locale et à la transmission intergénérationnelle.

1.3 Le levier pour Madagascar

Dans la stratégie nationale de mobilisation des ressources domestiques (SNMRI 2016-2030), la diaspora est identifiée comme un vecteur potentiel de fonds, de savoir-faire et de partenariat. diasporafordevelopment.eu 
Une meilleure intégration de ces flux et un cadre stable pourraient donc renforcer le développement.
 

2. Le cadre légal de la nationalité malagasy : état des lieux

2.1 Textes et principes clés

Le Code de la nationalité malagasy (Ordonnance 60-064) réglemente l’acquisition, la perte, et la déchéance de nationalité. L’article 42 est central :

Perd la nationalité malagasy, le Malagasy majeur qui acquiert volontairement une nationalité étrangère.
Par ailleurs, la double nationalité n’est pas reconnue pour les “Malagasy d’origine”. 

2.2 Limites et ambigüités

Le concept de “volontaire” acquisition reste flou : quelles preuves, quel moment ?
Les évolutions de fait sont nombreuses : certains Malagasy ont 2 passeports, le cas de l’ancien Président en a fait débat.
Le cadre n’a pas été adapté aux dynamiques contemporaines (mobilité, diaspora, globalisation).


2.3 Implications pratiques pour la diaspora

Si un membre de la diaspora acquiert une autre nationalité (ex. française, canadienne, etc.), il ou elle pourrait, en théorie, perdre la nationalité malagasy et avec elle certains droits (investissement foncier, héritage, vote, etc.). Cela crée une incertitude juridique non négligeable.
 

3. Pourquoi clarifier la nationalité est un enjeu stratégique

3.1 Pour les diasporas – sécurité et confiance

Une diaspora qui se sent “en terrain sécurisé” investit davantage. L’incertitude sur son statut national peut freiner : “Et si je perds mon droit d’acheter un terrain ?”, “Et si je ne peux plus investir ou rapatrier mes biens ?”… Une clarification permettrait de lever ce frein.

3.2 Pour Madagascar – capitaux et gouvernance

Un cadre national clair envoie un signal de sérieux aux investisseurs (internes et externes). Cela permettrait de canaliser davantage les ressources diasporiques vers des projets structurants. La stabilité juridique est aussi un marqueur de gouvernance.

3.3 Pour le débat démocratique et institutionnel

Cette question de nationalité fait partie de la “refondation de l’État” annoncée. Ouvrir un débat national, via des assises ou consultations, sur la question de la double nationalité, de la diaspora, du cadre foncier et de l’investissement serait un gage de transparence et d’inclusion.
 

4. Propositions concrètes pour avancer

  • Mise en place d’un mécanisme de consultation nationale (diaspora, société civile, investisseurs, pouvoirs publics) sur la nationalité et la diaspora.
  • Revue législative ou décret-cadre clarifiant les droits des diasporas (investissement foncier, double nationalité, statut fiscal, transfert de capitaux).
  • Campagne d’information ciblée à destination de la diaspora : “Quels droits ai-je ?”, “Quel est mon statut ?”, “Puis-je investir sereinement ?”
  • Création d’un “guichet diaspora” au sein de l’administration malagasy (à l’étranger ou en ligne) qui centraliserait les questions et offres d’accompagnement.
  • Lien avec les investissements dans les infrastructures et le foncier : sécuriser les projets de la diaspora (achat, construction, partenariats) par un cadre juridique et un suivi transparent.

La diaspora malagasy représentera de plus en plus un levier de développement — mais cela passe par la sécurité juridique et institutionnelle. En tant que diaspora, je crois profondément que clarifier le cadre nationalité/investissement n’est pas un luxe, mais une nécessité stratégique.

Je vous invite, compatriotes de l’extérieur, acteurs économiques et décideurs à engager ce débat ambitieux : c’est ensemble que nous pouvons construire un lien durable entre la diaspora, le pays et l’avenir.

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