Le paysage des paiements à Madagascar

À Madagascar, les moyens de paiement connaissent une transformation rapide, portée par l’essor du numérique et les besoins d’une population longtemps éloignée des circuits bancaires traditionnels. Dans un pays où moins de 20 % des habitants disposent d’un compte bancaire, les solutions alternatives comme le mobile money, la Carte Passe-Partout (CPP), la monnaie digitale (e‑Ariary) et les paiements par carte (Visa) redessinent progressivement le paysage financier.

Alors que les paiements sans contact peinent encore à percer — avec seulement 3,25 % de la population détentrice d’une carte de débit —, une véritable révolution silencieuse s’opère dans les poches des Malgaches. Quels sont les systèmes dominants ? Comment fonctionnent-ils ? Où se situe Madagascar par rapport à d'autres pays émergents ?

Plongée dans un écosystème en pleine mutation.


1. La révolution du Mobile Money

Depuis son lancement il y a environ 15 ans, le mobile money a transformé l’accès aux services financiers à Madagascar. En 2022, il y avait plus de 15,8 millions de comptes mobiles money enregistrés, contre environ 11,9 millions en 2021.

Ce phénomène a dépassé le nombre de comptes bancaires, notamment grâce à des services comme MVola, Orange Money ou Airtel Money, qui ont su toucher des populations rurales jusque-là exclues du système bancaire traditionnel. Le volume des transactions via mobile money représentait plus de 71 % du PIB en 2022 selon Developing Telecoms.

Le mobile money permet non seulement les transferts entre particuliers, mais aussi les paiements de factures, la réception de salaires, l’épargne numérique et les nano‑crédits instantanés, disponibles pour des montants de quelques dollars à plusieurs centaines.

2. Carte Passe-Partout (CPP) : pour les transports et les paiements urbains

Peu connue en dehors des grandes villes, la Carte Passe-Partout (CPP) est une solution de paiement électronique conçue spécialement pour les transports publics urbains, notamment les bus et certains taxis collectifs. Elle a été introduite pour fluidifier le paiement des trajets, éviter la manipulation d’argent liquide et faciliter la gestion des recettes des transporteurs.

Fonctionnant comme une carte prépayée, la CPP permet aussi certains paiements dans des commerces partenaires (épiceries, stations-service, etc.) selon les villes. Rechargeable dans des kiosques ou via mobile money, elle est particulièrement adoptée par les navetteurs réguliers.

Avantages :
  • Rapidité d’embarquement
  • Réduction des vols et des fraudes à bord
  • Suivi des dépenses via une application dédiée

Cependant, sa couverture reste limitée à quelques villes et elle n’a pas encore réussi à s’imposer comme solution de paiement généralisée à l’échelle nationale. Mais son potentiel est prometteur, surtout si elle devient interopérable avec d’autres services de paiement.

3. L’e‑Ariary : la monnaie digitale de la Banque Centrale

En mai 2025, la Banque centrale de Madagascar a lancé un projet pilote de monnaie digitale de banque centrale (e‑Ariary) . Ce projet de 10 mois vise à moderniser le système des paiements, notamment sur mobile, et à renforcer l’inclusion financière. L’e‑Ariary est utilisable via téléphone mobile simple ou smartphone, avec options hors connexion comme QR code ou carte à puce.
 

4. Les cartes bancaires et paiements Visa

Selon une étude récente de Visa, seulement 3,25 % de la population possède une carte de débit, ce qui montre un potentiel énorme encore inexploré : paiement sans contact, e‑commerce, retraits ATM.

Lors du forum Visa tenu au Radisson Blu (il y a 2 jours), des responsables ont souligné cette faible bancarisation (à peine 20 % de la population disposant d’un compte bancaire) mais également le rôle crucial des partenariats entre Visa, les banques et les opérateurs télécom pour stimuler la croissance des paiements digitaux .

Insights clés

  • Mobile Money déjà plus cher qu’en Afrique de l’Est/ Sud : Même sans surtaxe, les frais (jusqu’à 1 %) sont déjà supérieurs à des pays comme Kenya ou Tanzanie (≈0,5 %) ou Ghana (≈0,3 %).
  • Surtaxe 0,5 % contestée : Introduite fin 2024, elle s’applique aux montants >150 .000 Ar (≈ 31 USD), multipliant de 2 à 5 les frais de transfert et les coûts marchands jusqu’à X10, selon les opérateurs MVola, Orange Money et Airtel Money.
  • Charge régulièrement transférée : Les commerçants transfèrent souvent à l’usager les frais de retrait (~1 %).
  • Cartes bancaires plus compétitives : Les paiements sans contact ou CB coûtent 0,5 %–1 %, un peu plus élevés que la moyenne régionale, mais reste avantageux comparé au mobile money local.
Madagascar apparaît effectivement comme l’un des marchés africains les plus coûteux pour le mobile banking, bien au-delà des standards régionaux. La situation s’aggrave avec la récente surtaxe, risquant de:
  • décourager les paiements numériques,
  • favoriser le retour au cash,
  • entraver l’inclusion financière digitale.
À l’inverse, les paiements par carte et sans contact, bien que minoritaires, offrent des frais plus attractifs. 

Pour accélérer la digitalisation :
  • réduire ou supprimer la surtaxe pour éviter l’effet boomerang.
  • développer les cartes bancaires sans contact, en sensibilisant les usagers et en accentuant les partenariats Visa-banque.
  • améliorer l’interopérabilité – entre mobile money et banques – tout en maîtrisant les coûts.
Madagascar peut ainsi passer d’un modèle coûteux à un écosystème plus inclusif, abordable et digitalisé.

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